Une matinée au centre de rééducation

Un peu plus de 9 mois se sont écoulés depuis mon arrivée à Saint-Martin. Non non pas la destination de vacances (malheureusement), mais le centre de rééducation. À peu de choses près, toutes les journées sont identiques, le rythme est le même, pas de grasse mat’, une vie de contraintes, organisée, peu importe la saison, le train-train quotidien s’est installé. Dans ce billet je vous devoile une matinée type au centre de rééducation, à la découverte de la vie invisible du tétra ! Youhou !

Déjections matinales

Tout commence de bon matin entre 5h30 et 6h du matin, pour le premier sondage de la journée, alors que j’étais bien calé, au chaud, sous la couette, à rêver paisiblement, que je courais nu dans un champ. Et tout à coup, c’est le drame…

Suivant les jours, la matinée commence plus ou moins bien. Il y a des infirmières qui sont vraiment cool, entrent dans la chambre sur la pointe des pieds, sans faire de bruit, évitent d’allumer les lumières, de parler, et font le soin tranquillement avant de ressortir.

D’autres en revanche, son un petit peu moins douces et doivent penser que si elles, elles sont réveillées, alors tout le monde doit l’être aussi:  » Bonjour je suis Roberta, la nouvelle infirmière vacataire. Comment vous allez ce matin ? Vous avez bien dormi ?« .
Gninn… mais non, c’est pas vrai ou quoi, il est à peine 5h30… Laissez moi dormir ! S’il vous plait… Franchement pas envie de faire la causette à cette heure-ci. On pourrait faire connaissance un peu plus tard non ?!

Bon, passons, à cette heure là, de toute façon, j’arrive facilement à me rendormir. Le seul « hic », c’est qu’une demi-heure,voire une heure plus tard, rebelote. Cette fois-ci, c’est au tour des aides-soignants de défiler, pour le plus glamour des soins: celui de m’injecter 2 suppositoires, pour m’aider à aller à la selle.
Et oui, étant en permanence allongé sur le lit ou assis au fauteuil et à cause du traitement médical, nous sommes confrontés, nous handicapés, a des problèmes de transit permanent. En plus d’être un soin disgracieux, et par souci de faisabilité, le personnel médical est obligé de nous retourner, posé sur le flanc, pour viser dans le mille.

Si ça fonctionne, jackpot ! Je me fait dessus et reste dans ma m**** ( au sens propre du terme) jusqu’à ce que les aides-soignants viennent pour me réveiller et faire la toilette. Dans le cas contraire, rien ne se passe, cela signifie que mon transit est bloqué, et que je suis l’heureux gagnant d’un T.R. (Toucher Rectal)

 

Une reveil d’assisté !

Malgré ces deux interruptions furtives, et si je n’ai pas encore les yeux grands ouverts, j’ai le droit au réveil officiel en fanfare entre 6h45 et 7h20. Vous devez vous dire, « oh ça va, je me réveille souvent à cette heure-ci, même plutôt, il va pas se plaindre quand même« . Malheureusement, se lever à 8h, c’est considéré comme la grasse mat’ du week-end, et encore, ce n’est pas une science exacte. Généralement c’est aux alentours de 7h. Nous sommes tétraplégiques, on demande donc beaucoup plus de temps à l’équipe médicale pour être préparé.

Concernant la toilette, nous sommes bien loin des douches réalisées quotidiennement par le service de réanimation d’Antibes. Ici, à la fréquence d’une à deux douches par semaine, je peux vous dire que c’est devenu un vrai luxe

Ne croyez quand même pas que je sois sale!  Chaque matin j’ai le droit à ce qu’on appelle ici, la toilette au lit.

Concept: deux gants de toilette et deux serviettes. Une pour laver les membres inférieurs, les parties intimes et le derrière et le second pour le haut du corps ainsi que le visage.
Parfois avec le roulement des équipes, par faute d’inattention, il peut arriver que l’un de ces gants sert à nettoyer les fesses en cas de popo. Et pour les plus mauvais jours, il se pourrait qu’ils se mélangent par erreur, et que ce même gant se retrouve sur mon visage. M***** pas de bol.
Après un nettoyage plus ou moins rapide et efficace, place à l’habillage. On enfile le t-shirt comme on peut, c’est parfois la galère, suivant l’élasticité de celui-ci, idem pour le caleçon, le pantalon ou le short. Pour finir, comme si le fauteuil électrique n’était pas assez représentatif de ma situation de personne à mobilité réduite, je suis obligé d’enfiler des bas de contention, pour éviter les phlébites.
Trop sexy! Si quelqu’un veut m’offrir des porte-jarretelles pour qu’ils tiennent bien je suis preneur!

Il faut environ 35 à 40 minutes pour effectuer toutes ces tâches, il est pas loin d’être 8h, l’heure du petit-déjeuner et je suis encore au lit. Quelle chance, c’est comme à l’hôtel. Depuis 10 mois, je suis le même régime : pain beurre-confiture trempés dans un bol de chocolat, suivi d’un brossage de dents express effectué par l’aide-soignant. Mais depuis deux mois: Revolution! Grâce à une attelle créée par l’ergo thérapeute et l’évolution de mon bras, je peux enfin me les brosser seul et bien. Quel plaisir de faire glisser la langue sur les dents, c’est tout lisse !

 

Rééducation intensive

8h30, l’heure pour moi d’être transféré dans mon fauteuil et de rejoindre le gymnase pour faire la kiné. Il n’est pas rare, une fois sorti de l’ascenseur, d’effectuer un détour par l’extérieur, l’occasion de respirer l’air frais, sentir la douceur du soleil sur ma peau et occasionnellement avaler quelques bouffées de nicotine (c’est pas bien, je sais, mais c’est si facile).
Au début du séjour, je devais attendre 10h30, l’heure du kiné, pour descendre. Forcément une fois sur deux, à cause du fameux sondage, j’étais en retard. Quelle perte de temps ! Devoir poireauter dans mon lit, alors que je voulais absolument faire le maximum d’heures pour récupérer. J’ai dû me battre pendant des mois pour qu’ils changent l’heure du rendez-vous. Maintenant à 10h, je remonte déjà pour le soin et une demi-heure plus tard j’y retourne jusque 11h30. Pas de bras, pas de chocolat !

 

Pause dej’

Entre cette heure-ci et 11h58, c’est le moment de lézarder au soleil, c’est toujours très agréable, pour nous qui sommes complètement déréglés thermiquement et gelés en dessous de 20 degrés. À midi pile, je suis dans le salon, la salle où les patients « qui mangent en chambre » se réunissent pour déjeuner.

Au début de mon séjour, un autre patient qui était dans ma situation venait déjeuner quand bon lui semblait.
Avec les caprices de ce petit prince, il y a forcément de quoi rendre la gestion du service compliquée et énerver le personnel qui a fini par le mettre en garde: « si tu ne viens pas on ne te sert pas à manger, ce n’est pas l’hôtel ici ».
Un jour, nous avons traînés un peu au soleil et je fus inclus dans cet avertissement. Forcément, dans ma situation, je me sens plus vulnérable, je ne veux pas créer de problèmes supplémentaires ou des tensions inutiles avec les personne qui m’assistent au quotidien. Les mêmes que celles qui me donnent à manger, me font la toilette et me couchent…
Depuis ce jour, je vis comme si ont été à l’armée, respecte au pied de la lettre ces horaires et suis toujours devant mon plateau à 12h00. Et si je n’y suis pas, ils savent qu’il y a mes proches ou des amis qui sont là pour me donner à manger.

 

Objectifs pour vivre

Depuis quelques semaines voire quelques mois, je passe énormément de temps sur la tablette pour me former à la création du blog et la réalisation de celui-ci. Ça me donne un objectif concret et réalisable avec mon handicap, néanmoins, comme pour vous tous, je « manque de temps » entre les activités, les soins, et la fatigue.
C’est pourquoi je me dépêche de manger, à 12h30, je vais vite récupérer la tablette et m’isoler, au calme, au soleil et à l’extérieur. Ne croyez tout de même pas que je sois associable pour autant, il m’arrive régulièrement de parler avec les patients de tous les âges, toutes pathologies confondues et tout horizons. Il n’y a aucune distinction sociale ici, tout le monde est logé à la même enseigne, on vit les mêmes galères, et donc on se comprend.

 

Découvrez bientôt l’après-midi type dans un centre de rééducation !