Mon arrivée au centre de rééducation

13 novembre 2014 : ça y est je suis dans l’ambulance, direction Marseille pour rejoindre ma nouvelle résidence principal, le centre de rééducation.Je vais y séjourner plusieurs mois mais combien de temps exactement, je n’en ai aucune idée. Je sais simplement que j’ai un objectif précis : devoir bouger de nouveau et tout mettre en oeuvre pour récupérer le maximum de mes capacités.

Un mois et demi s’est déjà écoulé, cloué au lit, à cogiter en permanence sur mon accident, mon devenir, comment les choses vont évoluer, que vais-je récupérer… je n’en sais rien.
Les médecins non plus, je suis seul face à mon destin. Avant c’était simple, si ça n’allait pas, et même avec une grosse flemme, j’enfilais mes baskets, allais courir 10 bornes et mon esprit était tout de suite plus apaisé, plus clair, pour prendre la bonne décision et/ou avoir une réponse.
En quittant l’hôpital d’Antibes, je ferme le chapitre 2  » phase d’attente et de stabilisation » pour commencer le chapitre 3, « rééducation et apprentissage de la vie de Tetra« .

Il y a une expression qui dit « un malheur n’arrive jamais seul« , croyez le ou non, quand on a la poisse, on l’a jusqu’au bout. En cours de route dans l’ambulance, comme si je n’étais pas assez angoissé à l’idée de rejoindre la clinique, changer de ville et « quitter » mes proches, ce foutu pneu arrière droit crève, alors que nous étions entrain de doubler un camion.
Allez là! On laisse durer le suspens, on se rabat sur la bande d’arrêt d’urgence et c’est parti pour 30 minutes de réparation.

On fini par arriver à la clinique, dans un endroit que je ne connaissais pas du tout ( comme 99,9% de la cité phocéenne), aux environs de la zone industrielle de la Valentine. Une fois les papiers d’admission remplis, je découvre ma nouvelle chambre, la 123 ( comme si nous allions jouer au jeu 1 2 3 soleil, on était sûr de gagner) où attendent le médecin rééducateur et l’aide soignant qui me met immédiatement en tenue de combat, c’est-à-dire nu dans mon nouveau lit.
Première prise de contact avec le baratin habituel: nom, prénom, date de naissance, circonstances de l’accident, auscultation du corps,… puis vint le désormais très célèbre  » avez-vous des questions ? ».

Bien sûr que j’en ai et la première : « pourrais-je sortir pour le mariage de ma sœur, fin décembre quelques jours seulement avant Noël ? », sous-entendu, modification de la permission, etu srôtir d’ici quelques jours. La réponse fût sans appel  » ça risque d’être compliqué, il faut que ça cicatrise et pour cela il faut rester au calme ».

Bon, au moins, ça a le mérite d’être clair: cette année je vais passer des fêtes de fin d’année bien pourries. Les portes de la prison se referment derrière moi, je vais devoir rester enfermé dans une clinique avec l’impossibilité de participer à LA réunion de famille. La famille que je n’ai pas vu depuis des années pour certains, génial!
Ce serait mentir que de dire que je n’ai pas eu quelques larmes qui ont coulées sur mon visage…
Je conseille donc à tous ceux qui seraient susceptibles d’avoir un accident grave, de bien choisir leur date !
Ah tiens! en passant, « quand pensez-vous que je puisse prendre une journée ou un week-end ?« , quelques secondes de réflexion puis vint la réponse :  » fin février environ« … soit environ quatre ou cinq mois, sans voir le monde extérieur, le monde réel. Que de bonnes nouvelles aujourd’hui.

Bon, ok, de toute façon je n’ai pas le choix. Passons donc à l’essentiel, ce pourquoi je suis là, à quelle sauce vais-je donc être mangé?
La réponse sur une pauvre feuille A4, où se trouve mon planning, avec le nom de ma kiné. Verdict, une heure de kiné le matin à partir de 10h30, une heure d’ergo entre 14 et 15h et re une heure de kiné entre 15 et 16h. Ils sont sérieux là? Que 3h? Je ne suis pas venu pour rester au lit toute la journée! Ce à quoi on me répond, que je vais être vite fatigué et que j’aurai besoin de repos. Si vous le dites…

Concernant la chambre, il y a du changement avec le dernier service dans lequel j’étais à Antibes. Désormais je vais devoir cohabiter avec un petit papi de 75 ans, casque audio branché à la télé, vissé sur la tête, et qui me décrochera qu’un simple « bonjour » pendant une semaine environ. Moi qui m’attendais à trouver un autre jeune et/ou tétraplégique, avec lequel j’aurais pu échanger, pour découvrir les trucs et astuces de ma nouvelle vie… Je me suis bien planté. Chacun sa télé, avec son programme, son casque audio sur la tête, son placard pour ranger les affaires et son bout de chambre. Comme il est là depuis plus d’un an, il a le « privilège » d’être côté fenêtre, face à la salle de bain, quant à moi je suis côté porte, avec le bureau et un simple paravent pour nous séparer. Ça cache la vue mais pas les odeurs…

Voilà, une nouvelle page qui s’ouvre, on a fait rapidement le tour du propriétaire, je m’apprête à passer ma première nuit dans cette clinique. Avant de m’endormir, je regarde un peu la télé, et lorsque les aide-soignantes passent pour la ronde du soir, j’en profite pour leur demander de me laver les dents, comme je le faisais habituellement à Antibes. Réponse de l’équipe:  » non ! Ce n’est pas possible, il fallait demander à l’équipe du jour de le faire, nous on a pas le temps et ce n’est pas à nous de le faire! ». Je tente alors le:  » désolé c’est ma première nuit, je ne suis pas encore au courant des « règles« . Mais ils restent campés sur leur position, ils ne ne le feront pas, pas la peine d’insister. Demain je m’y prendrais plus tôt, mais je trouve ça tout de même absurde, j’ai l’impression que ça va être bien différent du service de réanimation… avec un aide-soignant et infirmier pour deux ou trois patients. Ici c’est plutôt 7 ou 8 soignants, pour 50 personnes.

Mes yeux se ferment, je m’endors, à demain.