4 ans que je suis tétraplégique !

17 septembre 2014 – 2018 : mon 4ème anniversaire.

2 ans et demi se sont écoulés sans écrire depuis le dernier post, pourtant il y en a des histoires à raconter : réussites, échecs, coup de gueule, coup de blues, coups de mous, témoignages …

 

J’ai du contenu pour alimenter le blog, et les capacités de le faire vivre. Pourtant rien, aucune trace du moindre article. Quelques photos et vidéos postées par-ci par-là, à l’arrache de temps en temps. Pourquoi rien de plus? Par flemme, manque de  courage,  d’envie, la peur du regard des autres, exposer ses doutes, sa vie sur la place publique, le syndrome de la page blanche?? Un mélange de tout ça.

Depuis l’ouverture du blog, j’ai pourtant eu de bons retours sur mes articles, des likes, et quelques partages. Des kinés et du personnel médical qui recommandent à leurs patients de le lire,  pour prouver que rien n’est perdu, et que tout est encore possible ! Des familles de nouveaux accidentés à la recherche d’informations et d’espoir. Ou de simples curieux tombés par hasard ici, au grès des algorithmes de la timeline Facebook.

 

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Après mon accident en 2014, j’ai passé presque 900 jours dans une vingtaine d’hôpitaux, au rythme des sonneries, brouhahas incessants jours et nuits du personnel médical, des heures de repas et des soins. Les 459 premiers jours, au centre de rééducation de Marseille, étaient focalisés sur la stabilisation médicale et la récupération physique. Tel un cheval de course à qui l’on mettrait des oeillères, tous les jours le même planning, de l’ergo et de la kiné. Les mêmes exercices dans le même ordre pour récupérer le moindre muscle et espérer passer de paralysé total à partiel.  Sans aucune certitude.

Les jours suivants, à l’hôpital Marin d’Hendaye, là où on accueille  les handicapés lourds, ceux dont les autres hôpitaux ne veulent ou peuvent traiter. J’avais pour objectif le retour à l’indépendance, dans un appartement adapté, tout en étant  loin de mon entourage. Une bataille administrative et acharnée qui a duré presque une année (318 jours). Ici on est passé de 4 ou 5 heures de rééducation par jour à seulement 1 heure. D’un coup le temps semblait plus long, et les perspectives d’évolution moindres …

En tout cas le 27 février 2016, je suis enfin sorti de l’hôpital pour vivre chez moi. Avec toute une armée de personnes assurant mon indépendance. 16 heures d’aide humaine quotidienne, 4 auxiliaires qui se relaient jours et nuits, un organisme d’hospitalisation à domicile, qui m’envoie des infirmières différentes pour garantir les 4 soins par jour. Sans compter les retards accumulés liés aux urgences et à la circulation. Une logistique qui laisse peu de place à l’intimité. L’auberge espagnole sans les côtés funs…

 

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Si je fais un bilan après ces 4 premières années de ma nouvelle vie, il me semble parfois pas tellement positif. A l’hôpital, je me suis laissé (à certains moments) porter, j’ai compris ce que voulait dire “être patient”, et surtout j’ai développé une capacité d’inertie affolante! Je vais être honnête et vulgaire: je m’emmerde parfois, suis saoulé, j’ai l’impression de m’engluer, de ne pas progresser, de ne pas évoluer, de ne pas kiffer ma vie, et surtout, de laisser le temps s’échapper.  Ma vie part en fumée et ne correspond pas à ce dont j’espérais.

 

 

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À l’école je n’ai jamais été tellement porté vers la littérature. Malgré les connaissances quasi inépuisables des livres: je n’aimais et ne lis pas. Maintenant je ne dis pas que ça a changé mais j’éprouve l’envie et le besoin d’écrire.

Besoin de changements, besoin d’exprimer, d’expliquer et de partager. Besoin de gerber, de dénoncer et témoigner de ce que l’on peut vivre et ressentir lorsque l’on est cloué sur un fauteuil. Bien loin de ce que l’on peut imaginer quand on voit une personne à mobilité réduite passer devant vous. Honnêtement, dans ma situation, et comparé à toutes les emmerdes liées au handicap, être paralysé est bien le dernier de mes soucis. On peut le vivre comme un calvaire, un cauchemar, comme une vie de merde. Ce qui m’arrive parfois malheureusement.

Ou alors, autre possibilité, comme on peut le lire ici et là dans les bouquins inspirants d’accidentés de la vie, ou de développement personnel: faire de l’accident une force, un ticket d’entrée, un “passe-droit” pour laisser libre cours à ses envies et ses rêves.  Honnêtement sur les lignes ça paraît simple. En pratique, c’est plus compliqué à mettre en œuvre. Comme pour tout et tous, paraplégiques comme tétraplégiques, handicapés comme valides: ça demande du travail, du temps et de la régularité.

 

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Comparé aux autres patients croisés tout au long de mon chemin, à ceux pour qui la maladie les rattrape chaque jour un peu plus et à ceux qui n’ont pas eu la chance de récupérer quoique ce soit. Moi je l’ai eu !

Je ne suis pas tétraplégique complet, ma moelle épinière est comprimée et non séctionnėe. Ce qui veut dire qu’il y a toujours le moyen de progresser, même si le plus gros est déjà atteint. Avec de la kiné, de la muscu’, beaucoup de motivation et un bon entourage, tout devient possible! Et même si je ne m’attends pas à remarcher, je ne peux qu’espérer (en restant lucide) acquérir plus de mobilité, me renforcer et avoir de nouveaux objectifs.

 

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À l’heure où mes potes se réjouissent d’être en couple, de se marier, de faire des gosses, de kiffer leur vie et capitaliser pour l’avenir, je dois continuer de me battre, à mon niveau, sur des choses tellement basiques. Réussir à faire un mètre en fauteuil manuel, puis 2, puis 10, se faire à manger, se sonder seul,… sortir de sa zone “de confort”.

Il y a 4 ans, après m’être brisé les cervicales en 9 morceaux, après une noyade de 5 à 6 minutes, deux arrêts cardiaques où l’on me considérait presque mort: j’ai choisi de vivre !! Bordel !! 

 

Il est impossible aujourd’hui de baisser les bras et lâcher l’affaire. Il est même indispensable de redoubler d’effort, être positif et continuer chaque jour d’y croire! Avec une petite pointe de folie en plus c’est mieux.

 

Never give up ! Force ! Rastafari !